Entretien avec Florence Rochefort « Du côté des féministes »
Florence Rochefort, Historienne, spécialiste de l’histoire des féminismes en France, chargée de recherche au CNRS. Elle participe depuis sa création à la revue historique Clio: Femmes, genres, histoire.
Depuis les révolutions de la fin du XVIIIe siècle se pose la question des droits, de la citoyenneté et de l’émancipation des femmes. Nés dans un contexte occidental, des féminismes se sont implantés peu à peu sur tous les continents pour libérer la parole et l’action de la moitié de l’humanité, selon des modalités spécifiques de luttes politiques, nationales et anticoloniales.
Le point de vue global inédit de Florence Rochefort permet de saisir ces interactions transnationales et de retracer les grandes caractéristiques des modes de pensée et de mobilisation contre les inégalités entre les sexes, pour les droits et les libertés des femmes, mais aussi pour de nouvelles normes de genre.
Comment les féminismes ont-ils émergé en France ? Doit-on parler de « féminisme bourgeois » ? Quels liens ont existé entre féminismes et socialismes ? Y a-t-il eu des féminismes noirs ? Les féministes étaient-elles toutes colonialistes ? Existe-t-il des féminismes religieux ? Comment s’articulent mouvements lesbien, gay, trans et mouvements féministes ? Quel a été le rôle du féminisme institutionnel ? Qu’est-ce qui est nouveau dans les groupes féministes aujourd’hui ? Qu’est-ce que révèle #Metoo sur la capacité des femmes à se mobiliser ? Ce livre entend fournir quelques clés indispensables afin de penser les féminismes d’hier et d’aujourd’hui à la lumière des grands défis contemporains, des inégalités sociales, raciales et de genre. Cette sociohistoire renouvelée des féminismes rend compte des stratégies plurielles déployées par les femmes et les hommes féministes qui ont combattu les inégalités entre les sexes et l’oppression spécifique des femmes, de la Révolution française à nos jours.
La désobéissance du côté du féminisme
Les luttes féministes ont été déterminantes dans l’émancipation des femmes au 20ème siècle, mais aussi dans l’invention de toutes sortes d’actions sociales et politiques.
Les femmes ont été très présentes dans de nombreuses mobilisations politiques à travers l’histoire, notamment lors de la Révolution Française. Les premières actions de désobéissance réalisées par des féministes pour faire valoir leurs droits interviennent à la fin du 19ème siècle. Elles concernent le droit de vote.
Le problème, c’est l’obéissance. Ce monde va de travers, à tel point que lui désobéir devrait être une urgence partagée et brûlante : d’où vient donc notre docilité ? Conformisme social, soumission économique, respect des autorités, consentement républicain ? Pour Frédéric Gros, c’est en repérant les styles d’obéissance qu’on se donne les moyens d’inventer de nouvelles formes de désobéissance. Sous sa plume, la pensée philosophique, en même temps qu’elle nous enjoint de ne jamais céder aux évidences, nous fait retrouver le sens de la responsabilité politique. À l’heure où les décisions des experts se présentent comme le résultat de statistiques glacées et de calculs anonymes, désobéir devient une affirmation d’humanité.
Qu’est ce qui déclenche la désobéissance?
La désobéissance est personnelle, l’acceptation ordinaire des situations devient insupportable, on ne peut que dire non.
Le penseur américain Henry David Thoreau écrit le 1er manifeste sur la désobéissance civile: avec le principe d’indélégabilité: pour aimer, créer, marcher, penser, désobéir, on ne peut pas se faire remplacer.