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La baie de Katherine Mansfield

Katherine Mansfield, autrice néo-zélandaise début du 20ème siècle, connue pour ses belles descriptions, en petites touches, comme un tableau qui se découvre.

Le petit recueil a 2 nouvelles de l’autrice:

« La baie » et « Un mariage à la mode »:

Dans la nouvelle, la baie, la plus longue et celle que j’ai préférée, on suit la vie d’une famille en Nouvelle Zélande, près d’une plage, avec la mère, la grand mère, la sœur et les enfants. Elles sortent à la plage, vont nager…

J’ai aimé leur sentiment de liberté, une fois que les hommes sont partis au travail. On ressent un soulagement, elles peuvent enfin être elles-mêmes. L’occasion de passer de bons moments ensemble…

« Parti?

– Parti!

Ah! Quelle détente! Cela faisait une telle différence de na plus avoir cet homme dans la maison. Elles s’interpellaient, et leurs voix mêmes avaient changé; elles étaient chaleureuses, affectueuses, comme si elles partageaient un secret. Beryl alla à la table. « Tu reprendras bien une tasse de thé, maman? Il est encore chaud. » Elle avait envie, en quelque sorte, de fêter cette liberté d’agir à leur guise qu’elles venaient de retrouver. Il n’y avait pas d’homme pour les ennuyer; toute cette magnifique journée leur appartenait. »

Helen McNicoll, The Blue Sea (On the Beach at St. Malo), c. 1914

J’ai bien aimé l’écriture de Katherine Mansfield, délicate, tournée vers la nature, l’océan, les fleurs, les animaux…

« Très tôt le matin. Le soleil n’était pas encore levé, et Crescent Bay disparaissait entièrement dans une brume blanche qui s’élevait de la mer. Au fond, les grosses collines couvertes de broussailles étaient englouties. Impossible de dire où elles s’arrêtaient et où commençait les enclos et les bungalows. La route sablonneuse s’était volatilisée, tout comme les enclos et les bungalows qui la bordait de l’autre côté; il n’y avait pas, au-delà, de dunes blanches couvertes d’herbe roussâtres; rien qui marquât la frontière entre la plage et la mer. Une abondante rosée était tombé. L’herbe était bleue. »

Frederick Hendrik Kaemmerer, Elegant women on the beach – 1855-1902

« Au fur et à mesure que la matinée avançait, des groupes nombreux apparaissaient en haut des dunes et descendaient sur la plage pour se baigner. Il était entendu qu’à onze heures les femmes et les enfants de la petite colonie des estivants avaient la mer pour eux. »

Beaucoup de thèmes différents sont abordés comme la maternité (et son regret) ou encore l’abrutissement du travail:

« On pouvait bien raconter que la maternité était le lot commun des femmes. Ce n’était pas vrai. Elle, en tout cas, pouvait prouver que c’était faux. Elle était brisée, abattue, vidée de tout courage par ses maternités. Et ce qui rendait la chose doublement difficile à supporter, c’est qu’elle n’aimait pas ses enfants. Il ne servait à rien de prétendre le contraire. Même si elle en avait eu la force, elle ne se serait jamais occupée des petites, elle n’aurait pas joué avec elles. Non, c’était comme si un soufflé glacé l’avait transie jusqu’au tréfonds de son être à chacun de ses horribles voyages; elle n’avait plus aucune chaleur à leur donner. »

J’aime bien découvrir des autrices ou auteurs avec ces petits livres folio même si c’est souvent sous la forme de nouvelles, j’aime assez découvrir des plumes de cette manière.

J’ai dans ma pal également une nouvelle de Sylvia Plath ou encore Ryûnosuke Akutagawa qui ne demandent qu’à être découverts. Il est toujours passionnant de plonger dans l’univers littéraire d’auteurs méconnus ou de redécouvrir des classiques à travers des nouvelles.

Ces deux nouvelles sont extraites du recueil La garden-party et autres nouvelles.

Dernier recueil publié du vivant de son auteur, La Garden-Party commence à l’aube d’une journée radieuse pour s’achever à la nuit noire, dans une chambre où s’endormira bientôt une femme sans âge ni visage. Une nouvelle après l’autre, Katherine Mansfield peint la vie par petites touches, tendres, cocasses, poignantes, parfois cruelles. Elle dit la solitude, la peur et la mort, partout présentes, même dans la baie des vacances et de l’enfance. Elle chante aussi le bonheur d’exister, l’intensité et la multiplicité des plaisirs qui s’offrent dans l’instant, ces merveilles que sont le sourire édenté d’un bébé, le tourbillon des lumières d’une salle de bal, une odeur de lavande, un vieux saladier rempli de capucines jaunes et rouges sur une table éclaboussée de soleil…

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