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Lectures Thrillers / Romans noirs

Les fous de Bassan d’Anne Hébert

Les fous de Bassan de l’autrice Québécoise Anne Hébert, publié en 1982 raconte la disparition de deux adolescentes dans le village de Griffin Creek un soir d’été 1936.

Anne Hébert (1916-2000)

Autrice, poétesse, dramaturge, scénariste Québécoise

Un village désolé soumis aux tempêtes et aux vents de l’océan où tout le monde se connait. Cet événement changera à jamais l’histoire de ce village, plus rien ne sera comme avant.

J’ai beaucoup aimé cette lecture, la construction du roman où une voix d’un personnage est un chapitre, surtout l’écriture et l’ambiance du livre.

J’ai lu ce livre pour le Club de lecture d’Antastesia lit, je découvre très souvent de superbes lectures!

Chaque personnage raconte l’histoire de son point de vue, on change de perspective à chaque chapitre, les « voix » des personnages sont différentes, chacun et chacune racontant l’histoire ou plutôt les évènements selon leur vision et pensées.

Ainsi l’autrice a adapté une écriture pour chaque personnage témoins du drame. Les phrases sont courtes, intenses, tantôt marquantes, tantôt poétiques.

Les arbres tout alentour se rapprochent, avec leur souffle mouillé, leur odeur de sève et de résine. Les planches de la maison gémissent comme des arbres en forêt. Quelque part dans la profondeur de la forêt des arbres vivants répondent aux arbres morts de la maison.
La nuit obscure est pleine d’appels d’arbres et de végétation triomphante en marche vers le cœur pourri de cette demeure.

L’écriture retranscrit parfaitement les senteurs, les sensations que l’on peut ressentir avec ce paysage désolé, obéissant aux mouvements de l’océan et du vent et aussi aux cris perçants des Fous de Bassan, oiseaux locaux. Cette nature est presque comme un personnage tant elle influx sur les habitants.

Je me suis mis cela dans la tête, de vivre la tempête jusqu’au bout, le plus profondément possible, au coeur de son épicentre, semblable à un fou que je suis, jouissant de la fureur de la mer et m’y projetant, délivré de toute pesanteur, comme un bouchon de liège. Transi sur mon rocher, dans mes vêtements mouillés, je m’égosille à crier, dans un fracas d’enfer. Personne ne peut m’entendre et le cri rauque qui s’échappe de ma gorge me fait du bien et me délivre d’une excitation difficile à supporter. La mer déchaînée déferle sur la grève, se heurte aux rochers, rejette une nuée de cailloux et de bouts de bois, des débris de toutes sortes. 

Le suspens est maintenu jusqu’à la dernière ligne. Le destin tragique des deux jeunes filles est révélé même si le récit ne repose pas du tout dessus.

Très loin, la ligne d’horizon, le regard s’épuise à la chercher, ne fait pas de ricochets, se perd en route, sur la surface de l’eau, s’abîme dans le rêve, avant même d’avoir franchi l’espace immense.
Ici c’est la même fuite, face à l’étendue marine, la même perte du regard, saisi par le songe, en cours de route. Extase certaine.

Le livre sait également présenter de beaux portraits de femmes: Irène, la grand-mère, Maureen ou encore Nora et Olivia avec une écriture qui laisse place à leur intériorité. On se laisse porté par cette atmosphère étrange et parfois menaçante tout au long du livre. Le final est glaçant!

Dans toute histoire il faudrait tenir compte du vent., de la présence du vents, de sa voix lancinante dans nos oreilles, de son haleine salée sur nos lèvres. Pas un geste d’homme ou de femme, dans ce pays, qui ne soit accompagné par le vent. Cheveux, robes, chemises, pantalons claquent dans le vent sur des corps nus. Le souffle marin pénètre nos vêtements, découvre nos poitrines givrées de sel. Nos âmes poreuses sont traversées de par en part. Le vent a toujours soufflé trop fort ici et ce qui est arrivé n’a été possible qu’à cause du vent qui entête et rend fou.

J’aimerais beaucoup continuer de découvrir la plume d’Anne Hébert avec notamment deux autres ouvrages: « Kamouraska » et « Les enfants du sabbat ».

Un poème de l’autrice: « La petite morte »

Une petite morte
s’est couchée en travers de la porte.

Nous l’avons trouvée au matin, abattue
sur notre seuil
Comme un arbre de fougère plein de gel.

Nous n’osons plus sortir depuis qu’elle est là
C’est une enfant blanche dans ses jupes mousseuses
D’où rayonne une étrange nuit laiteuse.

Nous nous efforçons de vivre à l’intérieur
Sans faire de bruit
Balayer la chambre
Et ranger l’ennui
Laisser les gestes se balancer tout seuls
Au bout d’un fil invisible
A même nos veines ouvertes.

Nous menons une vie si minuscule et tranquille
Que pas un de nos mouvements lents
Ne dépasse l’envers de ce miroir limpide
Où cette soeur que nous avons
Se baigne bleue sous la lune
Tandis que croît son odeur capiteuse.

Anne Hébert

N’hésitez pas à me dire si vous avez déjà lu l’autrice Anne Hébert et le/les quel(s)? Et si vous connaissez d’autres auteurs Québécois?

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